samedi 9 octobre 2010

Dans la Brie


Hier, je suis allé à un enterrement dans la Brie. Celui d'une cousine germaine de ma mère dont la première image qui me vient quand je pense à elle est qu'elle aimait beaucoup rire.

J'avais décidé de me rendre à ses obsèques dès qu'on m'avait annoncé sa mort, sans réfléchir. Je me suis demandé pourquoi : je ne suis guère primesautier, ne recherche pas les fréquentations familiales (c'est de l'époque aussi), n'avais pas du tout envie de voir des gens, de me tenir bien, de faire trop d'efforts sociaux, de parler (parler me fait chier). J'ai failli renoncer, mais j'y suis allé.

Pourquoi ? Il y avait parmi mes raisons, je crois - en dehors des classiques "manifester son soutien aux vivants", "faire son deuil", etc. dont je ne pense rien mais qui existent sans doute - une sorte de curiosité assez courante et que l'on pourrait éventuellement juger malsaine : voir à quoi ressemblaient aujourd'hui mes six cousines et mon cousin, les enfants de cette cousine germaine de ma mère qui aimait tant rire, que je n'avais pas vus depuis trente-cinq ans, je crois.

Je les ai trouvés changés bien sûr, mais je les ai reconnus, ils m'ont reconnu, j'en ai embrassé certains, certes avec timidité, mais aussi comme si nous nous étions quittés la veille, en revenant de la plage avec nos petits bobs.

Et puis j'ai été très heureux de revoir, l'espace de quelques minutes, cette grande maison où je me suis tellement amusé, quand j'étais enfant et ne m'amusais pas souvent (en fait si, mais non, mais si !).

Depuis trente-cinq ans, lorsqu'on me parlait de cette cousine qui riait fort, je l'imaginais immédiatement dans la pièce principale de cette maison en train de rire entourée d'enfants ou au téléphone.

C'était une scène de fiction. J'aimais bien imaginer que dans ce monde, il existait cette cousine en train de rire dans sa maison de la Brie.

Et puis à l'enterrement, j'ai revu cet autre cousin (il a quinze ans de plus que moi), qui au début des années 70, a vécu sa jeunesse comme on pouvait la vivre alors : il portait les cheveux longs, une veste de peau retournée, il fréquentait communautés, drogues, etc. Il était alors beau et fascinant, un vrai chevalier moderne dans cette famille petite bourgeoise catholique gaulliste.

Là, hier, il avait l'air de ne pas aller trop bien, il fait moins chevalier mais ça ne change rien pour moi. Il parlait beaucoup et il disait pas mal de banalités, de clichés : "Une page vient de se refermer"... Et puis il a dit une chose qui m'a fait sourire sur le moment : "La famille, quand même, ce sont des liens étranges. On ne se voit pas pendant des décennies, mais à chaque fois qu'on se voit, c'est intense". C'était un peu bébête, encore, parce que je n'avais pas dit bonjour à tout le monde et que je voulais repartir sans parler à personne.

Mais je me suis souvenu de ce moment, où, après la tombe, les gens saluaient mes cousines et mon cousin, alignés en rang d'oignons comme on fait toujours, pour leur présenter leurs condoléances. Je ne me suis pas approché d'eux, je suis passé à quelques mètres, leur ai fait un léger signe de la main, un petit sourire, je leur ai dit "bonjour" ou "au revoir" (on ne savait plus), et ils souriaient pour que je sache qu'ils me reconnaissaient, et il était beau mon cousin et elles étaient très jolies, comme des princesses, mes cousines de la Brie.

Et puis après je me suis dépêché de retourner à Paris, parce que la province, ça va cinq minutes, mais faut pas pousser non plus !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous êtes quand même chanceux de ne pas avoir à vous fader ma famille...

Sinon, vous devriez rebaptiser votre site Les Identités de Mr John Robie.

UG

Anonyme a dit…

Ça devient compliqué d'écrire un commentaire ici.

UG