lundi 22 février 2010

Kéké télé (2)


Je n'avais jamais compris (par manque d'expérience), à quel point la télévision est un spectacle (grosse banalité). Je veux dire au sens propre du mot, puisqu'on vous maquille pour que votre peau ne brille pas (je ne ferai pas de jeu de mot sur le verbe "briller").

Ce qui signifie que, lorsque vous vous retrouvez sur le plateau et à l'antenne et que vous n'en avez pas l'habitude, vous vous adressez à des gens qui sont tous maquillés et que vous n'aviez sans doute jamais vus ou imaginés dans cette situation : un monsieur de soixante ans en costume trois pièces et qui parle bien, par exemple.

La gêne pourtant ne naît pas d'un trouble sexuel possible - notre culture, notre éducation, notre vie quotidienne ne nous ont pas habitués à un tel brouillage des usages du dimorphisme sexuel. 

Non. L'homme en question ressemble à un vieux clown. Tout bronzé, tout ridé, tout poudreux.

Oui, voilà. A la télé, tous les hommes ressemblent à Jacques Séguéla. C'est ça, l'horreur.

PS : Finalement, je suis passé dans l'émission de samedi dernier. J'étais nul. On dirait une grenouille.

dimanche 21 février 2010

Jean-Luc Godard (1)

Je revois, édités par Montparnasse, Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard filmés par Alain Fleischer, accompagnés d'une série de visio-conférences, Ensemble et séparés - Sept rendez-vous avec Jean-Luc Godard, des discussions  entre Rolle et Le Fresnoy, où viennent parler tous les "amis" de Godard : Douchet, Païni, Labarthe, les Straub, Païni, Narboni, Brenez, Cornesa, Kantcheff, Frodon... (Païni, j'exagère, ne passe qu'une seule fois, mais ça m'a paru deux fois plus long que les autres, je ne sais pas pourquoi, sans aucune méchanceté - ah si, parce que Godard ne parle quasiment pas, sauf à la fin).

C'est long, objectivement : 125 minutes + 456 minutes = 581 minutes, soit plus de 9 heures de projection, si je ne m'abuse.

J'ai pas tout regardé, j'ai sauté. Il me reste encore les Straub (j'ai gardé les cerises pour le gâteau).

J'y reviendrai (ce qui signifie sans doute que je n'y reviendrai pas).

Mais je me rends compte que j'ai beaucoup perdu : autrefois, je comprenais le Godard dans le texte.

Il a tant représenté pour moi : à la parution du Godard par Godard, en 1985, je crois, je n'ai quasiment lu que ça pendant deux ans (pauvre de moi). J'étais très dépressif à l'époque, à tel point que je ne m'en rendais pas compte. Disons que je n'arrivais absolument pas à faire se rejoindre ma réalité et mes rêves. Je ne vivais pas, je n'arrivais pas à faire quoi que ce soit en dehors de tout ce qui avait trait au plaisir. Et c'était assez horrible, de piaffer sans être capable de démarrer. Aucune volonté.

Alors je comprenais beaucoup de choses de la vie grâce à Godard et je ne risque pas de le trahir (non, le mot est trop fort), de le renier aujourd'hui, malgré tout. Pas pour lui (il s'en contrefiche heureusement), bêtement pour moi.

J'y reviendrai (air connu).

samedi 20 février 2010

Antonioni

J'aime les romans-photos prétentieux d'Antonioni.

Sa façon de séduire le public en jouant sur sa mauvaise conscience bourgeoise.

Sa façon de séduire les femmes bourgeoises en leur renvoyant une image d'elles-mêmes qui leur plaît. 

La photo de ses films.

Mais j'aime surtout les creux.

Les plaies et les bosses.

Les fusées qui s'envolent dans le ciel.

La lourdeur du ciel.

La pelouse bosselée.

Les plans de mur.

Chirico, Antonioni, Modiano.

La plaine du Cri.

Les statues africaines de l'Eclipse.

Le moindre mouvement de caméra fait peur, crée un suspense.

J'aime la zone.

J'aime que ce soit un peu merdique.

Je n'aime pas du tout Monica Vitti dans les films d'Antonioni.

J'aime leur évidence.

Je n'aime pas quand ça parle, sauf quand ça ne dit rien.

J'aime quand ça ne dit rien.

J'aime la fatalité.

J'aime la rencontre dans la maison de Gaudi : directe. Pas de chichis.

J'aime l'hélice dans Blow up.

J'aime Wanda de Barbara Loden chez Antonioni.


vendredi 19 février 2010

Mes solutions aux conflits du Moyen-Orient

A vrai dire, je ne sais pas très bien. Mais je pense qu'il serait souhaitable qu'on ne mêle pas Raymond Domenech à l'affaire.

jeudi 18 février 2010

Les stagiaires de 3e

La semaine précédant les vacances, notre délicieux journal est envahi par des élèves de troisième venus effectuer un stage en entreprise.
On y retrouve un échantillon représentatif de la société française, toutes générations confondues : les boeufs, les éveillés, les curieux, les qui s'emmerdent.
Parfois, pour les distraire, on leur explique notre vie :

- Monsieur ?
- Oui ?
- Vous me racontez votre métier ?


- Bon, d'accord. On voit plein de films, on boit du champagne avec des génies, on prend le train, l'avion, le paquebot et le taxi aux frais du journal, on sniffe tout ce qui passe, on ne paye pas le cinéma, on reçoit des DVD, on est invités dans les festivals du monde entier, on dîne dans des grands restaus, on danse pieds nus sur la plage jusqu'à pas d'heure en criant des bêtises, on couche avec des belles actrices et on se la pète toutes les semaines en pourrissant tous les bellâtres musclés d'Hollywood dans nos papiers. C'est tout.
- Ouah, quel beau métier, M'sieur !
- Oui, je sais.
J'éclate en sanglots.

Kéké télé

Ma première télé. D'habitude, je refuse, j'envoie Kaganski, il adore se montrer, il a l'habitude et il parle bien. Moi non. Je suis disert et rhéteur comme Johnny Hallyday. Débonnaire comme Modiano. Cool comme Eric Besson. Je parviens à commencer des phrases, mais pas à les finir. Trop dur, le français.
Alors j'y suis allé. Taxi. Maquillage, loge, discutaillage. Sympathique, mon "adversaire" Eric Libiot de l'Express. Oui, c'est ma première fois, merci de votre aide. Re-maquillage, stress, une banane pour se nourrir, je m'assois sur le plateau, re-maquillage (je me sens ver luisant). Bonjour Monsieur, bonjour. Merci d'être venu. Ce serait bien, un débat un peu franc, vous voyez, n'hésitez pas à en faire trop. Mince.
Antenne. Alors vous aimez ? Oui. Et il faut expliquer. Libiot n'aime pas, enfin il le prétend, et puis devant mon manque de pugnacité finit par m'aider à défendre le film. Cinq minutes de phrases estropiées, je souris tout le temps comme m'a dit l'attachée de presse, tout le monde est très gentil avec moi, Lou Ravi.  Démaquillage, re-taxi.
Je souris encore en remontant la Seine. Dodo JB.

PS du 21 février :
J'ai regardé l'émission, hier soir. Nous avons été coupés.

mercredi 17 février 2010

C'est pas moi !


Lu sur le site du mensuel Première : "Samedi 30 janvier, une famille va voir La Princesse et la Grenouille : on refuse l’entrée de la salle à leur petite fille car celle-ci n’a pas encore fêté son troisième anniversaire. La famille passe outre, arguant du fait qu’ils ont payé leurs billets. La direction les fait expulser avec le concours des forces de police. Une ordonnance de 1927, toujours en viguer, interdit en effet l’entrée des salles de cinéma aux mineurs de moins de trois ans".

Un lecteur du site ajoute ce commentaire très instructif :
"Ils ont viré la petite fille et appelé sous le prétexte de la loi la fameuse loi, n'est en fait que l'article n°198 d'une ordonnance du 1er janvier 1927, pondue par Alfred Morain, Préfet de police de Paris, bravo U.G.C. de si bien respecter la réglementation. mais l'article n° 137, est il aussi respecté ? l'opérateur et son aide devront disposer de 3 siphons d'eau de seltz. article n° 214 ? l'heure extrême de cloture des représentations est fixée a minuit, en tous temps, sauf autorisation spéciale. article n° 175 ? impose d'établir les écuries dans des locaux séparés. Et cette ordonnance exige aussi : un médecin présent depuis le commencement jusqu'à la fin de toutes les représentations U.G.C. devrait dire la vérité, les enfants de moins de trois ans sont interdits, parce qu'ils risquent de perturber le spectacle!!!"

Je tiens à affirmer haut et fort que je n'ai rien à voir, à ma connaissance, avec cet Alfred Morain de 1927 (d'ailleurs, je ne mets jamais d'eau dans mon Martini). Croyez bien que je mène l'enquête. Je ne manquerai pas de vous tenir informés de toutes mes découvertes à ce sujet. S'il le faut, je changerai de nom. Enfin, peut-être pas, non plus.

mardi 16 février 2010

Amusante...

... la gêne de Jacques Audiard quand on loue son talent à filmer une prison (Le masque et la plume de dimanche dernier).

Il s'en fiche de la prison, dit-il, ce n'est pas le sujet d'Un Prophète - et il ironise à juste titre sur ceux de ses laudateurs qui n'y ont jamais mis les pieds.

Lui se voit cinéaste de fiction, pas documentariste. Artiste. Expert en cinéma.

Il dit que son film n'est pas une success story comme beaucoup l'ont cru, que c'est un malentendu : Malik sourit à la fin parce qu'il va enfin avoir une famille, un foyer. Au début du film, ajoute Audiard, on le décrivait comme un SDF.

Le problème, c'est que tout le monde a oublié ce détail. Audiard cite le bonus de Taxi driver, où l'on se rencontre que Schrader et Scorsese, ses auteurs, lui donnaient un tout autre sens que celui que lui prêtaient ses nombreux admirateurs.

Le succès est toujours un malentendu, dit-on.

 
Ce film n'est décidément pas génial, malgré tout, les prix, les récompenses, pense-t-on une fois de plus. Que signifie-t-il donc ?

Que l'homme est un loup pour l'homme ? Ou que la prison était le lieu idéal pour Jacques Audiard, qui n'aime rien tant que les films où des mâles dans une cage se bouffent les uns les autres ?

lundi 15 février 2010

L'histoire (1)

Les critiques de cinéma ont le même problème que les critiques littéraires : ils disent toujours qu'ils se fichent de l'histoire et que seul le "style" - mot sur lequel il faudra revenir tantôt - leur importe (oui, le sens naît de la forme, ok, on sait). Seulement quand ils tombent sur une histoire très forte, ils ont tendance à oublier très vite le style, la forme.

Un critique littéraire pourrira Marc Lévy pour son écriture (à juste titre), mais vantera Philippe Djian, alors que fondamentalement, ils font le même boulot : ils racontent des histoires avec méthode, technique et application. Mais Philippe Djian écrit mieux. De là à dire que le sens y naît de la forme...

A history of violence est une sacrée histoire. Bien racontée. Avec "style" - putain de mot, vraiment. Mais on pourrait raconter la même chose avec des mots.

dimanche 14 février 2010

Le "Plaisir" ?

La question revient toujours : "Avez-vous pris du plaisir à tourner ce film ?" (encore l'autre jour, à la radio, dans l'émission de Stéphane Bern sur France Inter, dont il semble que chaque chroniqueur ait été choisi pour sa bêtise crasse ou son inculture profonde).
Comme si le plaisir était la clef de tout, la garantie de la réussite artistique. 
Les "making of" ne tendent qu'à ça : montrer le plaisir de travailler ensemble, de faire un film.
Les bêtisiers ? La joie de se tromper dans son texte.


Mon expérience d'un tournage de film est assez limitée (j'ai quelque peu assisté et stiagiairisé il y a fort longtemps), mais quand même. J'en sais assez pour pouvoir affirmer que c'est long, ennuyeux, pénible, parfois humiliant, et très peu amusant. On crève de froid, on boit trop de café, on fume n'importe quoi, on ne dort pas assez. Un acteur qui se trompe dix fois dans son texte ne fait rire que lui (le perchman, vous croyez qu'il trouve ça drôle, vraiment ?). 

A chaque fois que je me suis retrouvé sur un tournage, j'ai eu l'impression de me retrouver dans mon régiment de hussards en manoeuvre, et ça ne me fait pas rire (je cauchemarde encore que je suis rappelé sous les drapeaux).

Que certains y trouvent du plaisir, je veux bien le comprendre, mais je ne vois guère ce que le plaisir vient faire dans ce travail lent et harassant. On peut éventuellement tenter de rendre un tournage plaisant, mais il ne l'est pas naturellement.

Exige-t-on de son boucher qu'il ait trouvé du plaisir à couper ses tournedos ?

vendredi 12 février 2010

Affolement (2)

Non, Monsieur. C'est du devoir du journaliste de filtrer, de savoir choisir ce qu'il convient de répéter ou pas. Ne vous dédouanez pas de votre responsabilité, des devoirs qui incombent à votre profession (que nous importe ce que vous en pensez, si vous la désiriez même, c'est votre affaire - vous avez une carte de presse, non ?). C'est à vous d'aider les gens que vous interviewez à s'exprimer du mieux possible. Arrêtez donc de vous plaindre, et travaillez ! Vous avez lu votre papier sur Le Temps des grâces, le documentaire de Dominique Marchais ? Je n'ai rien compris, et la personne qui a écrit le chapeau non plus puisqu'il décrit fort mal le film dont il est question. Occupez-vous donc de vos affaires, de ce qui dépend de vous (relisez Epictète, merde !). Tenez-le vous pour dit.

Bonheur de l'egotiste

Se trouver assis pendant deux heures à côté de quelqu'un que l'on l'admire depuis toujours mais ne rien lui dire. Que lui dire d'ailleurs ?

mercredi 10 février 2010

Affolement

J'écris très vite ce post. Hier, j'interviewe un acteur anglo-saxon qui me raconte, avant même que je lui aie posé la moindre question, qu'il a profité de son séjour à Paris, entre deux campagnes de promotion, pour prendre des cours de français à l'Alliance française, parce que son épouse et ses enfants parlent le français. Je lui fais part de mon approbation et il ajoute aussitôt : "Mais n'en parlez pas dans votre article". J'acquiesce.
Depuis hier, je me demande bien pourquoi il ne souhaite pas que j'écrive dans mon papier (à vrai dire, je n'en vois pas vraiment l'intérêt) qu'il tente de perfectionner son français. Il ne veut pas que je fasse de la pub pour l'Alliance française ? Il veut faire une surprise à ses proches ? Et s'il m'avait menti ? Bref, je me perds dans des délires d'un intérêt assez invisible.
La vraie question est : pourquoi une célébrité raconte-t-elle à un journaliste des choses qu'elle ne souhaite pas voir publier ? Pour l'amadouer, créer une fausse complicité ? Je me souviens d'une actrice qui m'avait tout dit de sa psy (son nom, son adresse, son prix, sa vie ou ce qu'elle en savait), et qui m'avait glissé avant de se rendre à sa séance du jour qu'elle ne savait vraiment pas quoi lui raconter, comme si elle attendait de moi que je le lui dise. Que faire de ces confidences exagérées ? Comment ne pas croire qu'elle souhaitait vraiment que tout ce qu'elle me disait soit publié ?
Nous devrions refuser le "off", exiger des interviewés qu'ils ne disent que ce qu'ils assument de dire.
En dehors de cela, il était charmant.

mardi 9 février 2010

Métalangage, qu'i' disent.

Des mots pour décrire les images (éventuelles) et les sons (éventuels), certes, mais aussi pour dire ce que ces images et ces sons disent qui n'est pas dit tout en étant là.
On notera surtout que se tient, derrière la phrase précédente, d'une risible banalité, l'idée qu'un film peut éventuellement être dépourvu d'image et de son tout en étant un film, du moment qu'il y a une bande qui défile dans un projecteur.
Comprenne qui peut.

dimanche 7 février 2010

Un bon art est un art mort : la question du théâtre

Je n'aime pas le théâtre parce que j'ai toujours peur qu'on m'y prenne à partie. Qu'un acteur s'en prenne soudain à moi sans prévenir, ou même qu'il m'intègre à sa mise en scène.

Au théâtre, la frontière entre la fiction et le réel est trop mince, trop poreuse et n'assure aucune sécurité. Le cinéma vous laisse tranquille.

Il faut ajouter que j'ai découvert le théâtre dans les années 70, une époque où la participation du spectateur au spectacle était à la mode. Je n'en ai gardé aucune haine, juste quelques traumatismes (la nudité sur scène était aussi tendance).

Je me souviens quand même de Cyrano de Bergerac à la Comédie Française (qui avait migré au Palais des Congrès pour l'occasion), je pense en 1975, de ce moment où un chapeau de mousquetaire, échappé de la main d'un figurant, roulait lentement sur l'avant-scène vers le public ; de la panique qui s'empara alors de trois jeunes cadets de Gascogne, qui se jetèrent littéralement sur la chapeau avant qu'il n'atterrisse dans la salle. Je me suis longtemps demandé la cause de leur précipitation : risquaient-ils une bonne engueulade, ou même une punition ou une amende ? Où avaient-ils eux aussi peur que l'imaginaire se mêlât soudain au giscardisme des seventies ?

La rose pourpre du Caire de Woody Allen est incompréhensible : cette idée de faire sortir les personnages de l'écran n'est vraiment pas un fantasme, mais un cauchemar de cinéphile.

Dali disait je crois qu'il ne demandait qu'une chose à une statue : qu'elle ne bouge pas. Je ne demande qu'une chose à des personnages de film : qu'ils demeurent à l'écran.

samedi 6 février 2010

Normal

Je connais des critiques de cinéma qui parlent mieux des films quand ils ne les ont pas vus.

mardi 2 février 2010

Déclaration d'indépendance (2)

Le critique n'est pas tout à fait seul. Il a des interlocuteurs : ses collègues et confrères, les attachés de presse, et ce qu'on appellera sa culture générale pour simplifier.

On choisit les collègues et confrères avec lesquels la discussion pourrait être profitable. On est aussi choisi par eux (je décompose, là, pour éclairer, si possible). On ne parle pas à n'importe qui, n'importe qui ne vous parle pas (heureusement - vous noterez quel ton rogue j'emploie pour parler de cette activité somme toute peu reluisante). On se flaire, on s'aborde, on se fuit, on se méfie, on se confie, on s'épie. On s'admire, on se jalouse. On dit du mal des gens qu'on apprécie, on dit du bien de nos imbéciles. On se grandit parfois, on s'abaisse souvent, on calcule, on s'abandonne aussi au plaisir des grands articles.

Les attachés de presse sont dangereux. Leur travail consiste à vous séduire. Chacun a sa méthode, même la plus surprenante, surtout la plus surprenante (le mépris). Le critique, vieux ronchon, est sensible à la flatterie aussi bien qu'au dédain, qu'il veut faire tomber, bien sûr. Il oublie sa réserve, il aime oublier jusqu'au métier qui nourrit son interlocuteur. Même quand il n'est pas dupe, il se fait avoir. Il aime se faire avoir.

Pourtant, quand il est face à l'écran blanc, il oublie tout le monde parce qu'au fond du fond, il sait bien que personne ne l'aidera. Il n'en fait qu'à sa tête.

(A suivre)

Déclaration d'indépendance (1)

Critique et journalisme ne font pas bon ménage. Le journalisme est un métier de réseau, la critique est un métier solitaire. Le critique n'a pas d'amis quand il critique, le journaliste n'a que ça, des amis. Un réseau se tisse, s'entretient au quotidien, en restant en contact permanent avec chaque membre du réseau : c'est un travail. Quand le journaliste a besoin d'un membre de son réseau, ce dernier accepte aussitôt de se manifester. Quand il écrit, le journaliste pense à tous ses amis. C'est comme cela qu'on devient un journaliste respecté, consulté, même quand on n'est plus du tout journaliste.
Un critique est un ours mal léché. Un gardien de but : quand il arrête une balle, la moitié des gens qui se trouvent autour de lui hurlent de joie, l'autre moitié l'insulte.
Mais tout cela est théorique. Ce n'est pas faux mais ce n'est pas la vérité non plus.

(A suivre)