Le Figaro a frappé petit en qualifiant le génial Oncle Boonmee de « Palme de l’ennui » dans une vidéo intitulée « Les nanars du 63e festival ».
On devrait s’en irriter (le Weerasethakul nous procure un énorme et pur plaisir de cinéma – à la mesure de l’émerveillement que nous procurait un bon Disney enfants), mais on a envie de sourire. Parce que cette pique contre un cinéma sensuel et tendre relève d’un vieux réflexe de journaleux de droite. On imagine bien la scène : trois quinquagénaires replets, éreintés comme tout le monde en fin de festival, s’affalent sur la terrasse de leur hôtel devant un demi un peu chaud. Et se laissent aller à un petit dernier rototo amer pour la route : tomber dans le panneau de la vieille démagogie de droite que Roland Barthes raillait déjà dans un texte de Mythologies (« Critique muette et aveugle »), où l’écrivain dénonçait les critiques qui se vantent de ne pas comprendre un livre pour les rabaisser : tout ce qui est intelligent est suspect, tout ce que je ne comprends pas, qui échappe au « bon sens » et au « sentiment », est forcément bête et ennuyeux... Le syndrome Verdurin, qui frappa Godard, Proust ou Mme de La Fayette…
Ce panneau-là, qui devrait clignoter au-dessus de toutes les têtes critiques, les Vitelloni du Figaro foncent tête baissée dedans parce qu’ils sont au bout du rouleau comme un acteur de Doillon à la 78e prise, parce qu’ils ignorent tout de l’histoire du cinéma (Renoir et Vigo conspués en leur temps), de Roland Barthes, de Daney, de tous ces « preneurs de tête » qui leur gâchent leur petit plaisir de beauf consommateurs de cinéma pré-mâché.
Prenez Eric Neuhoff : on voit bien d’où il vient. D’une vieille nostalgie pour les "Hussards" (Nimier, Blondin, etc.), où on balançait des vannes faciles sur les écrivains les plus ambitieux de l’époque (qui ont triomphé depuis). Il aurait aimé être Paul Gégauff ou Roger Vadim, mais le foie ne suit pas alors il se déguise en vieux Jean Sarkozy sur le retour pour glisser des petites vannes de vieux sur les films coréens « qui sont tous nuls » et le cinéma « intello qui fait dormir », tels ces ados de boîte à bac qui ricanent en lisant Tristan et Iseult. Il a vu trois films dans sa vie, aime Truffaut, Mitchum et Tennessee Williams. Alors, entre deux hoquets, il nous sort le coup de l’ennui en feignant d’ignorer (encore un truc de droite) que l’ennui n’a jamais été un critère à l’aune duquel on puisse juger une œuvre d’art.
Il est temps, petits Figaro, de filer au dodo et de se remettre à l’eau. Le même jour, sur le site du Figaro, en regard de la vidéo des trois potaches aux yeux chargés, cette phrase de Charles Péguy : « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles ». Quel raseur, ce Péguy !
On devrait s’en irriter (le Weerasethakul nous procure un énorme et pur plaisir de cinéma – à la mesure de l’émerveillement que nous procurait un bon Disney enfants), mais on a envie de sourire. Parce que cette pique contre un cinéma sensuel et tendre relève d’un vieux réflexe de journaleux de droite. On imagine bien la scène : trois quinquagénaires replets, éreintés comme tout le monde en fin de festival, s’affalent sur la terrasse de leur hôtel devant un demi un peu chaud. Et se laissent aller à un petit dernier rototo amer pour la route : tomber dans le panneau de la vieille démagogie de droite que Roland Barthes raillait déjà dans un texte de Mythologies (« Critique muette et aveugle »), où l’écrivain dénonçait les critiques qui se vantent de ne pas comprendre un livre pour les rabaisser : tout ce qui est intelligent est suspect, tout ce que je ne comprends pas, qui échappe au « bon sens » et au « sentiment », est forcément bête et ennuyeux... Le syndrome Verdurin, qui frappa Godard, Proust ou Mme de La Fayette…
Ce panneau-là, qui devrait clignoter au-dessus de toutes les têtes critiques, les Vitelloni du Figaro foncent tête baissée dedans parce qu’ils sont au bout du rouleau comme un acteur de Doillon à la 78e prise, parce qu’ils ignorent tout de l’histoire du cinéma (Renoir et Vigo conspués en leur temps), de Roland Barthes, de Daney, de tous ces « preneurs de tête » qui leur gâchent leur petit plaisir de beauf consommateurs de cinéma pré-mâché.
Prenez Eric Neuhoff : on voit bien d’où il vient. D’une vieille nostalgie pour les "Hussards" (Nimier, Blondin, etc.), où on balançait des vannes faciles sur les écrivains les plus ambitieux de l’époque (qui ont triomphé depuis). Il aurait aimé être Paul Gégauff ou Roger Vadim, mais le foie ne suit pas alors il se déguise en vieux Jean Sarkozy sur le retour pour glisser des petites vannes de vieux sur les films coréens « qui sont tous nuls » et le cinéma « intello qui fait dormir », tels ces ados de boîte à bac qui ricanent en lisant Tristan et Iseult. Il a vu trois films dans sa vie, aime Truffaut, Mitchum et Tennessee Williams. Alors, entre deux hoquets, il nous sort le coup de l’ennui en feignant d’ignorer (encore un truc de droite) que l’ennui n’a jamais été un critère à l’aune duquel on puisse juger une œuvre d’art.
Il est temps, petits Figaro, de filer au dodo et de se remettre à l’eau. Le même jour, sur le site du Figaro, en regard de la vidéo des trois potaches aux yeux chargés, cette phrase de Charles Péguy : « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles ». Quel raseur, ce Péguy !
11 commentaires:
merci pr se post
jluc
Aaaaaah, c'est tellement vrai...
Merci !
jn
Merci.... de la part d'une utre censurée. M.
ca fait plaisir de voir une descente en règle mais tellement bien écrite, argumentée...
merci
Quoi ? Nimier "balançait des vannes faciles sur les écrivains les plus ambitieux de l’époque" ?
Avez-vous lu les deux volumes des "Journées de lecture" ou "L'élève d'Aristote" ? Nimier était l'un des plus grands critiques littéraires de son temps. Et, conseiller de Gaston Gallimard, il fut un grand éditeur. Céline lui doit son retour sur le devant de la scène littéraire au milieu des années 1950. Cf. ses lettres à Roger Nimier, récemment rééditées en Pleiade.
C'est également Nimier qui créa et dirigea durant les premières années le "livre de poche classique". Scénariste et dialoguiste de cinéma, il collabora avec Louis Malle et Antonioni. Excusez du peu !
Je sais tout ça. Je maintiens. Excusez du peu.
Ouais, pas de réponse.
La couardise habituelle, quoi.
à anonyme:
Qui plus est, non.
à anonyme :
Anonyme?
La couardise habituelle, quoi
Merci, Eva, de relever une fois de plus l'absolu paradoxe qui consiste à condamner la haine des autres en déployant la sienne, à accuser les autres de lâcheté tout en laissant des messages anonymes.
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