mardi 30 mars 2010

Citations (2)

J'aime bien les citations qui ouvrent sur des possibilités de fiction inédites, des voies empruntables qu'on avait toujours négligées. Exemple, cette maxime de La Rochefoucauld (la 136e dans mon Garnier-Flammarion), qui m'a toujours intrigué, et qui me semble aussi exploitable qu'inexploitée (dans les fictions, les gens tombent toujours amoureux comme si tomber amoureux était une évidence, une fatalité psychosomatique) :

"Il y a des gens qui n'auraient jamais été amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour"

J'aimais bien aussi, dans une interview publiée dans Elle ou Marie-Claire, le moment où Françoise Sagan expliquait que contrairement aux idées reçues, une femme trompe son mari quand elle est heureuse (parce qu'elle est belle et se sent désirable) et non quand elle est malheureuse (parce qu'elle se sent moche et indésirable).

samedi 27 mars 2010

Citations (1)


C'est intéressant, les citations, surtout quand on les retient mal.
Par exemple, ce matin, en attendant mon tour, au bowling, je cherchais à me souvenir d'une phrase de Freud, aboutissant à ce désastre bancal :
"je ne sais pas grand-chose, mais je suis convaincu hélas que les jugements des humains sont conditionnés par leur désir absolu de bonheur, et servent à justifier leurs illusions".
Je retrouve la phrase de Freud (traduite par Bernard Lortholary) :
"[...] sur toutes choses, j'en sais fort peu, et avec certitude uniquement ceci que les jugements de valeur des hommes sont absolument orientés par leurs désirs de bonheur, qu'ils sont donc un tentative pour étayer leurs illusions par des arguments" (Malaise dans la civilisation).
Ce n'est pas pareil, tout de même. Ce "hélas" optimiste que j'ai inventé, notamment. Il est vrai que Freud a 74 ans quand il écrit cette phrase, qu'il voit le nazisme monter, et n'a guère plus d'illusions, lui.


Marcel Pagnol par le "méchant" Tacchella

J'ai un contentieux personnel avec Jean-Charles Tacchella (que je ne connais pas personnellement) mais je me demande parfois si je lui en veux. Quand ce réalisateur un peu oublié était président de la Cinémathèque, il interdit un jour que parût dans son programme le texte que Jean-François Rauger m'avait gentiment demandé d'écrire sur Paul Gégauff. Ce dernier avait été un ami de Tacchella (je l'ignorais) et j'avais eu le malheur d'évoquer l'alcoolisme (pourtant connu) de ce scénariste et ami de Chabrol, Rohmer ou Vadim. Je reconnais avec le temps que c'était stupide de ma part, car il s'agissait du programme d'une institution, et non d'un fanzine, et je n'en avais pas pris la mesure. C'est sans doute ce qu'on appelle "se griller".

Je parle de Tacchella parce qu'il a écrit un joli texte, lui, un brin anecdotique, certes, sur Marcel Pagnol, dans un livre, bellement illustré, intitulé Les années Pagnol  et édité par Hatier/les 5 continents en 1989. On y lit ceci :

"Peu après mon arrivée à Paris, j'attendais un jour à la porte d'un cinéma quand Marcel Pagnol - que ne connaissais pas - traversa la rue dans ma direction, vint vers moi et me serra la main.
Très ému, je lui dis :
- Je suis heureux de vous connaître, je sais qui vous êtes, mais on ne se connaît pas.
- Comment ça, on ne se connaît pas ? dit Pagnol. On s'est vus à Marseille ! Moi je vous connais très bien !
J'avais l'impression de revivre la scène de Marius, avec Monsieur Brun, revenant de Partis, quand on lui dit : "Vous n'avez pas vu Landolfi ? Alors c'est qu'il est mort !"
Pagnol insistait :
- Vous êtes venu au studio !
C'était vrai, j'étais allé au studio de la rue Jean-Mermoz, à Marseille, pour voir "comment on tournait". J'avais assisté à des prises de vues de La Neige sur les pas d'André Berthomieu, avec Pierre Blanchar et Line Rono. Mais je n'avais pas rencontré Pagnol.
Mon entêtement finit par l'amuser :
- Vous êtes venu chez moi et vous prétendez qu'on ne se connaît pas ? Après tout, c'est peut-être vrai, dit-il. Je vais vous faire un aveu. Quand je crois connaître quelqu'un, je prends les devants, je lui dis bonjour, je n'aime pas vexer les gens".

vendredi 26 mars 2010

Les films déguisés

Quand j'étais petit, j'ai vu un film qui m'a beaucoup impressionné. C'était un documentaire tourné il y a très longtemps, à une époque où le cinéma était encore muet.

On y voyait des hommes très agités. L'un d'entre eux, très cambré, habillé comme "à l'époque" (comme disent les enfants), tenait une feuille devant lui et avait l'air de déclamer. C'est le souvenir que je gardais de ce film. Un documentaire avec des gens fiévreux, si fiévreux que je me demandais parfois si je n'avais pas rêvé ou cauchemardé ce film lors d'une de ces maladies infantiles qui nous clouaient au lit avec un bon 40 °C ; les jours semblaient durer des mois. Après, il fallait faire désinfecter la chambre avec une grosse bonbonne de je ne sais pas quel produit vaporeux.

Et puis j'ai grandi, chose somme toute assez normale, même pour moi, et j'ai fini par me rendre compte de l'improbabilité de ce film documentaire. Il était impossible que je l'ai vu, puisque le cinéma n'existait pas à l'époque où se déroulait l'action.

Avec un peu de raison, j'aurais dû me dire qu'il ne s'agissait pas d'un documentaire, mais d'une fiction. Mais non, j'étais désormais persuadé de l'avoir rêvé. J'en étais presque arrivé à me demander si je n'avais pas pu voyager dans le temps.

Et puis un jour, plus grand, j'ai revu ces images. Elles étaient dans le Napoléon d'Abel Gance et il s'agissait de la scène où Rouget de Lisle écrit et chante pour la première fois la Marseillaise.



samedi 13 mars 2010

Voyeurisme

Dans la vie, combien de temps peut-on poser son regard sur quelqu'un que l'on ne connaît pas ?

Le regarder et rien d'autre, tout en sachant qu'il peut lui aussi soit vous regarder, soit sentir votre regard.

Je me posais la question ce matin dans le métro.

Une jeune femme japonaise plutôt grande avec une toque en fourrure très jolie (vraiment, et pourtant je ne suis pas très toque - ah ah) venait de monter et je la trouvais très belle. Et comme elle n'avait pas l'air de le savoir, je continuais à la regarder, comme si j'étais au spectacle, au cinéma, en tout impunité : "se repaître d'un spectacle". Non pour croiser ou attirer son regard (nul désir ni surtout invite dans ce regard), mais juste pour le plaisir des yeux. Et aussi pour tenter de saisir l'origine de l'émotion que me procurait ce spectacle : en quoi était-il beau ?

Et puis elle a tourné les yeux vers moi et j'ai détourné mon regard pour ne pas la gêner, pour ne pas prêter à confusion.

Combien de temps peut-on fixer quelqu'un que l'on ne connaît pas ?

Cette durée a-t-elle changé depuis l'invention de tous les arts visuels ?

La pratique quotidienne du cinéma induit-elle une modification de notre comportement social ?

jeudi 11 mars 2010

"Pallier l'absence" : la manie des images et la peur du vide

"Il n'y a pas d'images de la rafle du Vel d'Hiv, il fallait combler ce vide" (La Rafle de Rose Bosch).

"Il n'y a pas de films français sur la guerre d'Algérie, il fallait combler se vide" (tous les films sur la guerre d'Algérie). 

"On se demande pourquoi le cinéma français ne raconte pas ses écrivains, comme le fait le cinéma américain" (une critique littéraire vantant Truman Capote).

Tout cela est globalement assez faux (Les guichets du Louvre de Michal Mitrani et Monsieur Klein de Joseph Losey pour le vélodrome d'hiver ; beaucoup de films sur la guerre d'Algérie depuis La bataille d'Alger ; Sagan de Diane Kurys). Mais ce n'est pas la question. Cela ne suffirait jamais de toute façon

Car

La question, ma question, mes questions : 

Pourquoi le cinéma aurait-il pour fonction de tapisser d'images l'histoire passée ?

D'où vient cette peur du vide d'images ? Sans elles, rien n'existe ? Ne peut-on s'en forger tout seul ? Doit-on substituer à son regard bla bla bla ? Et l'imagination ? Ne peut-on penser sans imaginer (je croyais que oui, qu'il le fallait même) ?

Pourquoi cette crainte que les choses s'oublient si on ne les montre pas, même si les films sont nuls (on s'en fiche, des films, on veut son sujet) ?

Pourquoi cette conviction que les gens ne savent rien ?

Pourquoi cette peur que ce que nous savons ne soit pas su par les autres ?

Etc.



mardi 9 mars 2010

Synopsis

J'ai écrit un scénario :
C'est l'histoire de Morandini, un ancien contremaître de chez Citroën. Il est d'origine italienne, a "fait l'Algérie",  est misanthrope et raciste (Vincent Lindon). Il possède une DS qu'il entretient avec amour.

Il se lie d'amitié avec ses voisins harkis, qui sont très sympathiques et font bien le couscous. Et puis il aime bien la jeune Rachida, 22 ans, qui est bien jolie (Hafsia Herzi). Alors il décide d'aider son frère, le jeune Mohamed (Tahar Rahim), qui ne fait rien de sa vie à part des conneries. Il lui apprend à entretenir une Citroën (cool, c'est bien le travail manuel) et l'entraîne chez le coiffeur, où il traite le patron (François Berléand) de "vieux youpin" et où l'autre le traite de "sale macaroni". Après, ils vont boire un pastis. C'est ça, les hommes.






Mais une méchante bande de dealers béninois (des sans-papiers, on parie) menacent Rachida et sa famille et veulent forcer Mohamed à entrer dans leur gang.



Alors Morandini, qui a appris qu'il avait un méchant cancer et qu'il va mourir bientôt, se débrouille pour maquiller son suicide en crime commis par les méchants clandestins noirs drogués, qui se retrouvent alors en prison (bien fait - en plus on leur appliquera la double peine). Cool.


Fin.


Qu'est-ce que vous en pensez ?

samedi 6 mars 2010

Erratum (2)

Dans le troisième tome de mes Poésies complètes, on peut lire, à la page 1032, à la seconde hémistiche du vers 385 de mon Ode au vent d'Issy, les mots suivants :
« Dzim boum boum tagada »
C’est une erreur. C’est bien évidemment « Ploum ploum ploum tralala » qu’il faut lire.
Je vous prie de biffer, de biffer, et de bien vouloir rectifier.
Merci.

vendredi 5 mars 2010

Tais-toi

 

Un film, c'est comme un texte. Lorsqu'on ment, je veux dire lorsqu'on se ment à soi-même, lorsqu'on n'a pas compris ce qui se jouait et qu'on s'est reposé sur des mensonges confortables, sur de la glose sans valeur mais efficiente, sur des théories souvent brillantes auxquelles ont ne croit pas vraiment, sur de la fiction en somme, ça se voit tout de suite. Enfin, ça devrait.

Mais non. Les gens ne regardent pas, ils n'ont pas le temps. Ils écoutent le réalisateur parler de son film et ils le croient, ils sont séduits, ils acquiescent. On devrait arrêter d'interviewer les artistes, certains sont de redoutables vendeurs, et empêchent de regarder et d'écouter leurs films. Comme tout vendeur, ils vendent des choses qu'ils n'ont pas.

Après leurs mots, déjà de forme critique mais de matière publicitaire, il est très difficile de remonter la pente.

jeudi 4 mars 2010

Aveu d'impuissance

Je cherche ce qu'on pourrait dire de pire sur Un prophète de Jacques Audiard, et je m'aperçois que je n'en ai même pas suffisamment la haine.

Gran Torino de Clint Eastwood, c'est facile, c'est un film raciste, mais Un Prophète, à part dire que c'est un film pour les gens qui pensent comme tout le monde, qui croient que le cinéma est un art (c'est une formule, n'est-ce pas), je ne trouve pas.

Mince. Que faire ?


A lire éventuellement, quelques papiers sur ces deux films :
http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/article/un-prophete-de-jacques-audiard-ou-le-retour-du-male/
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/clint-eastwood-notre-bon-americain/