J'ai un contentieux personnel avec Jean-Charles Tacchella (que je ne connais pas personnellement) mais je me demande parfois si je lui en veux. Quand ce réalisateur un peu oublié était président de la Cinémathèque, il interdit un jour que parût dans son programme le texte que Jean-François Rauger m'avait gentiment demandé d'écrire sur Paul Gégauff. Ce dernier avait été un ami de Tacchella (je l'ignorais) et j'avais eu le malheur d'évoquer l'alcoolisme (pourtant connu) de ce scénariste et ami de Chabrol, Rohmer ou Vadim. Je reconnais avec le temps que c'était stupide de ma part, car il s'agissait du programme d'une institution, et non d'un fanzine, et je n'en avais pas pris la mesure. C'est sans doute ce qu'on appelle "se griller".
Je parle de Tacchella parce qu'il a écrit un joli texte, lui, un brin anecdotique, certes, sur Marcel Pagnol, dans un livre, bellement illustré, intitulé Les années Pagnol et édité par Hatier/les 5 continents en 1989. On y lit ceci :
"Peu après mon arrivée à Paris, j'attendais un jour à la porte d'un cinéma quand Marcel Pagnol - que ne connaissais pas - traversa la rue dans ma direction, vint vers moi et me serra la main.
Très ému, je lui dis :
- Je suis heureux de vous connaître, je sais qui vous êtes, mais on ne se connaît pas.
- Comment ça, on ne se connaît pas ? dit Pagnol. On s'est vus à Marseille ! Moi je vous connais très bien !
J'avais l'impression de revivre la scène de Marius, avec Monsieur Brun, revenant de Partis, quand on lui dit : "Vous n'avez pas vu Landolfi ? Alors c'est qu'il est mort !"
Pagnol insistait :
- Vous êtes venu au studio !
C'était vrai, j'étais allé au studio de la rue Jean-Mermoz, à Marseille, pour voir "comment on tournait". J'avais assisté à des prises de vues de La Neige sur les pas d'André Berthomieu, avec Pierre Blanchar et Line Rono. Mais je n'avais pas rencontré Pagnol.
Mon entêtement finit par l'amuser :
- Vous êtes venu chez moi et vous prétendez qu'on ne se connaît pas ? Après tout, c'est peut-être vrai, dit-il. Je vais vous faire un aveu. Quand je crois connaître quelqu'un, je prends les devants, je lui dis bonjour, je n'aime pas vexer les gens".
4 commentaires:
de toutes façons Tachella s'est puni lui-même en faisant des films assez mauvais depuis près de vingt ans qui empêcheront toute possibilité de rétrospective...
Hélas, on n'est jamais à l'abri d'une rétrospective. Mais vous avez raison.
"je n'aime pas vexer les gens " voilà qui est fort rare et parfaitement élégant
Enregistrer un commentaire