Histoire fausse

"Je n'aime pas trop qu'on me demande ce que je fais, sur quoi je travaille. 

Non par superstition, comme certains, mais parce que je crois que les gens posent la question comme ils diraient : "Et qu'est-ce que tu fais pour les vacances ?" Pour meubler la conversation.

Un jour que je déjeunais avec une amie et qu’elle me demandait elle aussi sur quel film j’écrivais, je lui répondis sans réfléchir :

-     Je n'écris pas sur un film en ce moment.

-     Ah bon, mais tu écris sur quoi ?

-     Sur les femmes.

-          Les femmes ? Mais qu’est-ce que tu racontes ?

-          Je parle d’elles, de comment elles sont, de ce qu’elles font.

-          Pas d’hommes ?

-          Non, il n’y en a qu’un, c’est le narrateur.

-          C’est toi ?

-          Ah non, jamais. Enfin, c’est plus compliqué…

-          Tu parles de moi ?

-          Oui.

-          Quoi ? Mais qu’est-ce que tu dis sur moi ?

-          Tu verras bien. Disons que je raconte ce que nous ne faisons pas ensemble, toi et moi.

-          Pardon ?

-          Par exemple, je raconte qu’on couche ensemble.

-          Tu es malade ?

-          Pourquoi ?

-          A quoi joues-tu ?

-     C'est de la fiction !

Nous nous perdîmes de vue, je ne sais pas pourquoi. 


Quel idiot."


(Extrait du scénario de Mon fond sur la commode, court-métrage bourguignon tourné en 1982)